Si la paroisse de Basse-Pointe m'était contée

Une page d'histoire avec madame Marie-Léandre TELLE, paroissienne bien connue et reconnue par plusieurs générations de notre communauté, qui partage avec nous les informations qu'elle a soigneusement recueillies et conservées et qu'elle restitue à travers ce récit.

Située à proximité du premier foyer de colonisation européenne, la zone de Basse-Pointe n’a pas tardé à être investie par les Français, attirés par ce « plat pays ».

Le père LABAT, qui a été curé de la paroisse voisine de Macouba de 1694 à 1696, rapporte que l’église de Basse-Pointe a été dédiée à Saint Adrien avant d’être placée sous le patronage de Saint Jean-Baptiste. Le quartier fut érigé en paroisse vraisemblablement vers l’année 1663 car c’est à cette date que commencèrent les registres de catholicité.

En 1687, l’église et le presbytère tombent en ruines, il faut les refaire à neuf. Pour les restaurer, les habitants offrent dix neuf mille soixante dix livres de sucre et promettent mille journées de travailleurs. Grâce à l’intervention de d’Eragny, les habitants de Basse-Pointe secouèrent leur apathie et se décidèrent à poursuivre les travaux. Trois ans plus tard (1690) tout est achevé et convenablement meublé : l’autel, la chaire, les bancs, la sacristie, tout est proprement fait. Le Père Labat donne à l’église soixante pieds de long au lieu de cinquante. Il estime que la voûte est un peu trop basse et qu’on a eu tort de la faire parallèlement à la rue. Elle aurait dû donner sur la rue par son portail.

En 1743, le Père MANE donne de la paroisse le compte-rendu suivant : « l’Eglise de Basse-Pointe est dédiée à Saint Jean Baptiste. Elle est au milieu d’un bourg assez considérable en assez bon état, ayant été allongée depuis quelques années, et assez bien entretenue. La documentation sur Basse-Pointe est particulièrement pauvre ».

L’an 1850, a-t-on noté dans les registres, dans les mois de juillet et d’août, nous avons fait à l’église les réparations dont elle avait un besoin urgent. Nous avons renouvelé la toiture en essentes, peint les autels des chapelles, restauré la sainte table. L’église n’était plus une simple construction rectangulaire comme par le passé, c’était une croix latine comme la plupart des églises de l’époque.

Le 21 juin 1857 eut lieu la bénédiction d’une cloche pesant 397kgs et nommée Rose-Victoire.

En 1898, la commune fit réparer le clocher.

Basse-Pointe fut desservie par des dominicains depuis sa fondation jusqu’à la Révolution et par des séculiers de la Révolution à la Séparation.

(Source : Origine des paroisses et des quartiers de la Martinique par l’abbé Joseph Rennard – bibliothèque numérique Manioc)

En 1883, 4 cloches furent commandées aux frères FARNIER, Ferdinand et Arthur. Une petite Si de 281 kg pour un diamètre de 790 mm, un La de 393 kg et de Ø de 878, un Sol de 561 kg et 988 de Ø et enfin un Ré de 1.365 kg pour 1318 mm de Ø.

(Source : site des Cloches de Robécourt –Vosges- dans le monde)

La première église de Basse-Pointe, construite en 1663 fut donc agrandie au XVIIIème siècle, remaniée au XIXème siècle.

Une nouvelle église fin XIXè...

Après deux siècles d’existence, cette église a été remplacée probablement à la fin du XIXème siècle, avant 1902, par une nouvelle église, faisant elle aussi face à la mer, et à première vue dans le cimetière. Cette dernière s’avéra trop petite après bien des années de bons et loyaux services ; c’est alors que le curé de la Paroisse, le Père Henri Marie François de Sales Varin de la Brunelière » a pris sur lui » -vox populi- de faire construire une autre église plus grande, à l’emplacement même de la première de 1663, mais dans un autre sens, « ne regardant pas la mer » comme les précédentes mais « regardant la rue ». A vrai dire, et logiquement, cette nouvelle église doit son existence à la décision de la haute autorité hiérarchique du diocèse ; mais pour les paroissiens de Basse-Pointe, c’était le Père Labounelière, l’acteur principal de cette belle réalisation, vu qu’il s’est investi physiquement et qu’effectivement y a contribué financièrement.

Les paroissiens, grands, moyens, petits, s’étaient engagés, eux aussi, dans cette belle et louable entreprise. Les enfants du catéchisme transportaient dans des trays des pierres et du sable du bord de mer sur le lieu de la construction. Cela se faisait, le jeudi après les leçons de « lésisyon » sous la direction du Père Labounelière lui-même qui « chargeait » les trays, quitte à avoir les souliers et le bas de « sa robe » mouillés. Ces enfants s’en donnaient à coeur joie et s’enorgueillissaient de travailler avec et comme les « grandes personnes».

Durant la construction de cette église, celle du cimetière continuait sa fonction, probablement jusqu’en 1934. J’ai été baptisée dans cette église du cimetière le 15 mars 1929 par le Père Le Retraite. Il ne reste d’elle qu’un pan de mur et le tombeau des prêtres qui se trouvait à l’intérieur, dans le choeur. On peut encore déceler de rares blocs de maçonnerie au sol, entre deux tombes. Elle a été démolie au fur et à mesure pour agrandir le cimetière. En 1947, il existait encore des pans de murs latéraux et les fidèles allaient avec le prêtre, le Père Pierre Allain, en procession dans la « vieille église » disait-on, bénir le tombeau des prêtres, à ciel ouvert, les pieds dans les herbes fleuries, après les vêpres de la Toussaint, avant la bénédiction générale et l’illumination des fosses, tombes et caveaux. Le monument aux morts est construit dans l’aile gauche de la petite église du cimetière qui figure sur une carte postale de la collection Camille Le Camus : Basse-Pointe avant la catastrophe de 1902. On la fleurit tout de même, cette petite église, sans le savoir, quand on dépose une gerbe au pied du Monument au Morts. (Propos tenus par Madame M. Léandre TELLE)

L’église de 1934 qui fut terminée le 15 août 1934 et son clocher en 1935 correspond au type dit « rectangulaire » dont relèvent également les églises du Lamentin et du Lorrain. Ce style tire son originalité d’une double option par rapport aux églises d’inspiration baroque de l’île : la largeur de l’étage supérieur surmonté d’une balustrade est égale à celle du rez-de-chaussée. Par ailleurs, la façade principale n’est plus plaquée sur l’immeuble mais fait partie intégrante du bâtiment, dont la voûte lambrissée rebâtie en 1934 reprend le modèle de l’église en bois originelle. Une plaque indique que le 26 décembre eut lieu la bénédiction de l’église. Le nouveau bâtiment réemploie des pierres tombales de l’ancien sanctuaire. L’église est fréquemment reconstruite. En 1805, lorsque le préfet d’empire Laussat visite l’église, le bâtiment a déjà subi deux réfections.

Le maître-autel garni de gradins et doté d’un tabernacle à exposition, est issu de l’église primitive. Son ancienneté est accusée par la forme fuyante de l’antependium. Il aurait fait partie d’un butin rapporté d’Amérique du Sud par des flibustiers. Il a été classé en 1982 à l’inventaire des monuments historiques. La plaque commémorative est posée lors de la bénédiction de l’église.

(Source : Le Patrimoine des Communes de la Martinique – Fondation Clément)

Sur la plaque commémorative on peut lire : « In memoriam – cette église érigée en remplacement de l’ancienne devenue trop petite par le Révérend Père Henri de la Brunelière curé avec le concours des fidèles de la paroisse et spécialement J. Crassous de Médeuil et C. Beuzelin, bienfaiteurs Insignes J.Roussel, maire de la commune, a été bénite par son excellence Monseigneur Lequien évêque de la Martinique le 16 décembre de l’an de grâce 1934.

(Source : Léa Telle)

L’église Saint Jean-Baptiste de Basse-Pointe abrite depuis 2004 la cloche du Loup-Garou. Cette cloche a été découverte par hasard en mai 2002, lors d’une sortie de loisir des plongeurs du Club Sportif Militaire. Elle reposait par -20 mètres sur les fonds sableux de l’Ilet du Loup-Garou, au Robert. La cloche du Loup-Garou est caractéristique de la production campanaire de la fin du XVIIème siècle. Par sa forme, elle appartient au type gothique qui devient la norme de la cloche d’église au XVIème siècle. Son décor comporte essentiellement une croix disposée sur un piédestal et agrémentée de motifs 4 d’entrelacs. L’épigraphie est réalisée en capitales romanes.

Elle livre ce message : « JAY ESTE DONNEE A LEGLIZE ST JEAN DE LA BASSE-POINTE PAR CHARTON HABITANT DUDIT LIEU 1687 PAR MOY PHILIPE MEHOULT M.FONDEUR A BOURDEAUX. » Hauteur : 45 cm Diamètre : 42,2 cm Poids : 46 kg Matériaux : alliage base cuivre

(Source : document Corema-Plongée commission Archéologie édité à l’occasion du retour de la cloche à Basse-Pointe)

L’église paroissiale Saint Jean-Baptiste est sinistrée depuis le cyclone Dean de 2007. Une chapelle a été inaugurée en décembre 2009 avec le Père Pierre-Alex ZONZON. Elle est adjacente à la salle paroissiale pour permettre d’augmenter le nombre de places. Elle a une capacité de 140 places ; elle est belle, toute en bois. C’est dans cette chapelle que se déroulent tous les offices religieux, en attendant la reconstruction de l’église.

(Source : article rédigé par Madame M. Léandre TELLE, signé Renée, pour Eglise en Martinique du 24 janvier 2010 – N°397 )

Le mercredi 24 juin 2015 à 9h 30 s’est tenu un temps de prière pour la dépose des cloches, sous le regard de Saint Jean Baptiste, présidé par Monseigneur Macaire, avec les Pères Grégoire Jagowdzik et Gilles Aizo.

(Source : fichier informatique Léa et Fred Joly : dépose des cloches 24 juin 2015)

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